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Dans ce blog, il sera question de publier toutes les réflexions, articles, commentaires et opinions à caractère socio-économiques, politiques, culturels et religieux.


Eric Dénécé: «Prism, une scandaleuse source d’espionnage contre nos intérêts»

Publié par Gabriel MANZUKULA Mjrrdcongo sur 11 Juin 2013, 12:04pm

Catégories : #International

 

Siège de la National Security Agency. Fort George G. Meade, Maryland.
Siège de la National Security Agency. Fort George G. Meade, Maryland.
REUTERS/NSA/Handout via Reuters

Edward Snowden est un ancien agent de l’agence américaine de sécurité NSA. Il affirme ouvertement être l'auteur des fuites qui agitent la presse mondiale au sujet de « Prism », un programme de surveillance généralisé d'internet mis en place par la NSA. Chercheur, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Dénécé commente cette affaire sur RFI.

RFI : avec les révélations concernant « Prism », assiste-t-on à une affaire d’ampleur comparable à WikiLeaks ?

Eric Dénécé : C’est probablement comparable, avec une différence fondamentale : dans l’affaire WikiLeaks, le jeune Bradley Manning révélait des informations dangereuses pour la sécurité nationale américaine, tandis que là Snowden fait vraiment un acte de civisme au sens propre, puisque les Américains ont créé une véritable machine à espionner leurs citoyens. On peut donc considérer que l’acte de Snowden est d’une portée légèrement différente de celle du jeune militaire.

A travers le programme de la NSA, des géants de l’informatique et d’internet sont eux aussi visés, n’est-ce pas ?

Bien évidemment, mais il faut rappeler que ces entreprises-là n’ont pas vraiment eu le choix. Aujourd’hui, un débat assez amusant se met en place : on voit Snowden, et donc finalement le gouvernement des Etats-Unis, reconnaître qu'ils ont forcé la main, d'une certaine manière, à toutes ces entreprises pour qu’elles coopèrent. Mais vu qu’il y avait des accords secret-défense avec ces entreprises, si celles-ci reconnaissent qu'elles ont coopéré avec le gouvernement américain, elles transgressent les accords contractuels signés, et sont donc passibles de poursuites en justice. On ne verra donc pas, à mon sens, l'une des entreprises incriminées par Snowden reconnaître objectivement qu’elle a participé à ce programme d’écoute nationale. Non pas parce qu’elles ne veulent pas le faire, mais tout simplement parce qu’elles prennent un risque juridique si elles le font.

Comment fonctionne ce programme « Prism » mis au jour ?

C’est le long aboutissement d’une série de programmes envisagés puis développés depuis la fin des années 1990 et surtout depuis le début des années 2000. Au début, ça s’appelait le « total information awareness », dans lequel les Américains voulaient mettre absolument toute la nation sur écoute. Ca a été rejeté une première fois par le Congrès et ça a été relancé discrètement. Aujourd’hui, la NSA, la plus grande agence de renseignement américaine - et au monde -, qui comprend plus de 60 000 salariés, une technologie absolument extraordinaire, a mis sous surveillance la totalité des communications et des messages électroniques des Etats-Unis, et une grande part des messages entrant et sortant du pays. Autrement dit, ça ne concerne pas que des citoyens américains. Il y a des dizaines de logiciels et d’ordinateurs dotés de très puissants calculateurs, qui récupèrent les informations, les classent, souvent les décryptent puis en font quasiment une synthèse automatique, pour permettre à des lecteurs d’en tirer la substantifique moelle. C’est un énorme appareil. Et c’est aussi une usine à gaz qui commet beaucoup d’erreurs.

A votre connaissance, existe-t-il des programmes de ce type dans d’autres pays du monde ?

A ma connaissance, non. Peut-être les Chinois ont-ils quelque chose de similaire, mais dans une logique plus naturellement totalitaire de contrôle de leur propre population, bref dans la version électronique d'une tradition que connaît la Chine depuis très longtemps. Je ne pense pas que ce soit comparable. En tout cas, les Chinois ne surveillent pas avec autant d’efficacité ou même de volonté ce qu'il se passe à l’étranger. Et aucun autre pays au monde, surtout pas un pays occidental, n’a mis en place ce genre de choses. Certainement pas la France.

Aussitôt après les révélations d’Edward Snowden, le collectif Anonymous a salué cette action et Michael Moore, le célèbre réalisateur de documentaires, parle même de héros de l’année. Cette soif de transparence peut-elle nuire à l’administration Obama, selon vous ?

Là, je m’exprime à titre personnel et je vous réponds qu'il faut le souhaiter, parce que c’est quand même une transgression absolument ahurissante des règles démocratiques de base. Nous autres spécialistes travaillant sur et avec les Etats-Unis, nous ne cessons de répéter que, depuis 2002, la première démocratie du monde n’est plus une démocratie de référence. La surveillance de l’opinion intérieure, les opérations de provocation pour faire tomber les groupes soi-disant terroristes - et qui n’en sont en fait pas - sont conduites par le FBI (la police fédérale, NDLR). Donc, on observe vraiment un non-respect de la démocratie et des libertés individuelles. Il a pris une ampleur énorme aux Etats-Unis. On garde tous l’image de cette belle démocratie, mais par bien des aspects, elle est devenue un véritable Etat policier. Et ça, c’est quelque chose de très, très inquiétant. Le fait qu’Anonymous mène une action est une très bonne chose.

Selon vous, quelle serait la meilleure manière de contre-attaquer pour le gouvernement ?

Je ne sais pas ce qu’elle pourrait être. Il y a un discours tout à fait fallacieux qui consiste à dire : « Notre sécurité nationale est en danger si nous ne faisons pas ça ». Ca, c'est absolument faux. Mais il y a surtout un problème d’échelle dans la façon dont travaillent les Américains : ils dépensent 100, 200 et peut-être même 300 fois plus que la France en matière de renseignement intérieur, pour envisager les attentats terroristes. Mais ils ne sont, en aucun cas, 100, 200 ou 300 fois plus efficaces que nous. Ils ne le sont d’ailleurs pas plus que 20 ou 30 fois, voire sûrement pas plus de deux ou trois fois. Ca veut dire qu'aujourd'hui, les investissements électroniques en termes d’efficacité n’ont aucune justification opérationnelle. On est donc en droit de s’interroger sur leur utilité réelle, notamment sur la surveillance intérieure. Autre chose, et j’insiste là-dessus parce que ça nous concerne nous autres Français, et surtout nos entreprises : une grande partie de cette surveillance électronique permet d’espionner les firmes étrangères présentes aux Etats-Unis, les échanges entre les succursales américaines et les sièges français ou européens. Et donc, c’est une source d’espionnage contre nos entreprises et nos intérêts économiques. Elle est absolument scandaleuse.

 

Alexandra Cagnard

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