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Dans ce blog, il sera question de publier toutes les réflexions, articles, commentaires et opinions à caractère socio-économiques, politiques, culturels et religieux.


Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo, 1956 - 1960 de Kimpianga Mahanaih

Publié par Gabriel MANZUKULA Mjrrdcongo sur 18 Juin 2016, 18:05pm

Catégories : #Politique, #International

L’ouvrage du professeur Kimpianga Mahanaih, Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo, 1956-1960 propose un véritable décentrement culturel. En effet, l’auteur a pris le parti de rendre compte de son « enquête » en lui donnant « un aspect narratif » (p18) à la manière des « griots ». Découpé nts contextuels, culturels et biographiques qui ont présidé à la gestation de l’indépendance du Congo belge entre 1956 et 1960.

L’ouvrage du professeur Kimpianga Mahanaih, Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo, 1956-1960 propose un véritable décentrement culturel. En effet, l’auteur a pris le parti de rendre compte de son « enquête » en lui donnant « un aspect narratif » (p18) à la manière des « griots ». Découpé nts contextuels, culturels et biographiques qui ont présidé à la gestation de l’indépendance du Congo belge entre 1956 et 1960.

L’ouvrage du professeur Kimpianga Mahanaih, Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo, 1956-1960 propose un véritable décentrement culturel. En effet, l’auteur a pris le parti de rendre compte de son « enquête » en lui donnant « un aspect narratif » (p18) à la manière des « griots ». Découpé nts contextuels, culturels et biographiques qui ont présidé à la gestation de l’indépendance du Congo belge entre 1956 et 1960.

Le professeur ne cache pas son désir de réhabiliter les deux « pères de l’indépendance » qui à leur manière, y « ont joué un rôle cardinal » (p15). Annoncé dès l’ introduction, le refus de l’hagiographie se concrétise par la restitution de l’arrière plan humain et culturel avec lequel ont composé les deux hommes qui eurent à inscrire leur stratégie dans un « contexte de réaction du peuple congolais tout entier au colonialisme belge et dans le cadre de l’évolution culturelle, sociale et économique qu’avait atteinte chacun des groupes ethniques » dont étaient originaires les deux leaders de l’indépendance ( p 15). Faut il y voir l’empreinte des subaltern studies dans leur déni des « grands hommes » et dans leur volonté de réhabiliter les acteurs subalternes, susceptible de créer un autre récit de l’indépendance mettant un
point final au processus de la création d’un Etat, en proie à une « crise continuelle » (p 235) ? Rien dans la bibliographie ne permet d’étayer cette hypothèse quant au choix épistémologique mais que rend plausible l’engagement politique de l’auteur .Toutefois, ce qui devait être une anecdote sur le moment mais qui prend avec le recul-et dans une trame narrative nouvelle- une toute autre signification, conforte cette conjecture. Il s’agit en effet du geste d’un partisan de l’ABAKO arrachant le sabre des mains de Baudoin I, paradant ce 29 juin 1960 aux côtés du nouveau chef de l’Etat congolais, Joseph Kasa Vubu ( section 41 p 217). L’analyse qu’en fait l’auteur témoigne incontestablement en faveur d’une relecture de l’histoire de la
République Démocratique du Congo, « from below ».

L’argumentaire de l’historien est présenté sous forme d’exposé en
plusieurs tableaux- actes convient-il mieux ?

Dans les sections 1 et 2, Kimpianga Mahanaih présente les options étatiques où le Congo apparaît comme un laboratoire d’idées sur le type d’Etat pour une nation « en train de naître », oscillant entre le fédéralisme et le modèle centralisé, « unitariste » écrit l’auteur.

De la section 5 à la section 11, il est question de l’essor du syndicalisme, inféodé au syndicalisme belge en 1946, congolais à partir de 1957 ; des associations culturelles et/ou ethnoculturelles, des associations d’entraide dans les années 1940, combinant des logiques « tribale » , religieuse ou affinitaire , véritables écoles de formation politique des leaders nationalistes (p 65) . Autant de manifestations du « politique » selon la terminologie de P Rosanvallon, qui viennent contrecarrer –ou soutenir-les desseins de la « trinité coloniale », à savoir l’Etat, l’Eglise et l’Entreprise, dixit l’auteur

L’exemple de L’Alliance des Bakongo (ABAKO), devenue le parti de Joseph Kasa-Vubu, permet de saisir l’entrelacs des influences ainsi que la complexité de la généalogie. A l’initiative d’un ecclésiastique jésuite, le père Joseph Nvwela et des « Evolués » bakongo, dont la culture fut noyée dans les stratégies politico-économico- ethniques de l’Etat colonial (section 9 p 68 : la dékigongolisation et la lingalalisation de Léopoldville), fut créée l’Association culturelle de la Renaissance Bakongo (RENAIBAKO) en 1944, suivie en 1950 de celle de l’Association des Bakongo pour la défense de leur culture et de leur langue, le kikongo. Le relais est pris en 1958 par le parti politique l’ABAKO, qui s’est donné pour mission la restauration d’un état transnational, le Grand Kongo, ayant précédé la colonisation européenne depuis le XVe siècle. Le lien – s’il existe- entre la perte d’influence du kikongo, langue de l’action apostolique pratiquée depuis le XVe siècle, et la concurrence entre les
congrégations religieuses n’est pas établi explicitement par l’auteur ( p 76) alors qu’il avait, par ailleurs, insisté sur le fait que le lingala était d’abord la langue véhiculaire de l’armée puis celle de l’administration coloniale et de certaines congrégations religieuses arrivées plus tard ( p70) .

Quant à la généalogie du parti politique qui a soutenu l’ascension de Patrice Lumumba, le Mouvement National Congolais (MNC), elle n’est pas moins révélatrice des débats d’ordre ontologique pour la nation à venir. Son histoire est liée à celle du Cercle Culturel Conscience Africaine de 1951 né de l’initiative des Evolués catholiques et du vicaire Joseph Albert Malua, unis par le projet transcendant le « tribalisme », et que rejoint Lumumba en 1957.Le MNC voit le jour en 1958 ainsi que l’hostilité au leadership de Lumumba de certains cofondateurs.

Malgré sa volonté de faire jeu égal entre les deux héros de l’indépendance, Kimpianga Mahanaih consacre les sections 12 à 18 à la consolidation du pouvoir de Lumumba au Congo corrélativement à celle de sa stature internationale, à l’origine probablement de l’image du « martyr du colonialisme » diffusé dans les manuels français.

Les sections 19 à 42 nous entraînent dans les péripéties de l’indépendance débutant avec les émeutes de 1959, consécutives à l’interdiction d’une réunion de l’ABAKO, qui précipitèrent l’émancipation du Congo belge.

Ces émeutes ont été aussi l’épreuve du feu pour la panthéonisation de Kasa Vubu –le roi Kasa- intégré dans l’imaginaire collectif à la lignée des Pères de l’indépendance fondée par Simon Kimbangu, devant en tant qu’avatar parachever sa mission.

Si on tente de décrire la situation en adoptant des universaux, on serait tenté de dire que les options proposées aux Congolais oscillent entre tradition et « modernité » définie, dans ce cas, par la volonté de Lumumba d’arrimer le Congo au monde occidental ,figure de la modernité, perçu comme tel par les Evolués. Cependant, Kimpianga Mahanaih nuance cette vision en redonnant à celle de Kasa Vubu une dimension qui en ferait davantage l’expression d’une modernité. Il s’agissait pour Kasa Vubu de marier culture africaine et occidentale par l’inculturation, dans une perspective d’ouverture et non de fermeture (p 138) et ce dès les années 1940. Partisan dans un premier temps du respect des « nations tribus » (p 139), il évolue vers un fédéralisme fondé sur la volonté des protagonistes de vivre ensemble.

La dynamique de l’émancipation, dont le soubassement idéologique restait écartelé entre l’option « tribale » et l’option centralisée, a provoqué sur son passage de nouvelles coalitions où se mêlaient le message chrétien, kimbanguiste nourri du panafricanisme de Marcus Garvey imprégné, dans ce dernier cas, de la notion de peuple élu bakongo.

Au final, l’ouvrage de Kimpianga Mahanaih, maître en études africaines et en sciences religieuses, apporte de multiples éclairages à partir d’une focalisation interne. On en ressort avec un certain trouble – intellectuel- faute de pouvoir rassembler toutes les pièces dans un récit linaire, disons le téléologique. En effet, du fait de la structure narrative, c’est au lecteur de reconstituer les éléments du puzzle car l’auteur se contente de les collecter, en se moquant de la logique temporelle et des relations causales. Le récit fonctionne aussi sur la connivence entre le narrateur -le griot- et ses auditeurs-lecteurs, ce qui oblige le lecteur occidental –ou quasi occidental- à reprendre le fil et à établir les liens, à mener sa propre analyse.

L’ouvrage, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, excite la curiosité et le désir d’en savoir plus.

Reine Claude Grondin
Docteur en histoire Paris-I
r.grondin@sfr.fr

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