Lorsque les anges de la mort auront vidé les demeures de notre esprit de tous ces vains détritus que nous appelons notre histoire; lorsque les astres de nos idéaux avec lesquels nous avions présomptueusement drapé les cieux de notre existence, auront fin de briller et se seront éteints; lorsque la mort aura installé un silence terrible de vide et que, dans la foi et l'espérance, nous aurons consenti silencieusement à ce vide comme à notre essence vraie;
Lorsque ce que nous aurons connu jusque là de vie, aussi longue eût-elle été, ne nous apparaître plus comme une unique et courte explosion de notre liberté, une explosion qui n'aurait de durée pour nous que par un effet de ralenti et dans laquelle la question se transformerait en réponse, la possibilité en réalité, le temps en éternité et la liberté offerte en liberté faite;
Lorsque, dans un immense saisissement et une indicible jubilation, il se révèlera alors que ce vide sans fond et sans mot que nous ressentons comme une mort est plein, zn réalité, du mystère primordial que nous nommons Dieu, de sa pure lumière, de son amour qui saisit tout et offre tout, que vienne alors, de surcroît, sur ce fond de mystère sans figure, à nous apparaître et à nous regarder le visage de Jésus, le Béni, et que cette figure concréte s'avère être l'offre par laquelle Dieu dépasse complétement notre cpnsentement, aussi authentique que soit-il, à son mystère insaisissable et sans figure, alors, oui, c'est alors, c'est à peu près de la sorte que je voudrais, non pas à vrai dire décrire ce qui vient, mais donner à entendre dans un balbutiement comment un homme peut attendre provisoirement ce qui doit venir en épouvant l'engloutissement de la mort comme le surgissement, déjà, de ce qui vient.
Karl RAHNER