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Dans ce blog, il sera question de publier toutes les réflexions, articles, commentaires et opinions à caractère socio-économiques, politiques, culturels et religieux.


Qui sont ces mystérieux Sadducéens?

Publié par Gabriel MANZUKULA Mjrrdcongo sur 4 Décembre 2017, 11:01am

Catégories : #Actualite, #International, #Politique, #Bible et Reflexion, #Théologie de la libération, #Enseignement - Education

Sommaire

On parle de la figure mystérieuse des Sadducéens parce que nous n’avons aucun document contemporain sur eux, et ceux que nous avons ne les présentent pas sur un jour favorable et les montrent en opposition aux Pharisiens. L’étymologie du mot Sadducéens, Saddûqîn, provient probablement du nom du prêtre Sadoq à Jérusalem qui a été service des rois David et Salomon. Par la suite, tous les prêtres qui appuyaient leur légitimité sur ce lignage s’appelaient fils de Sadoq. Le groupe des Sadducéens date probablement du 2e siècle av. J.-C. au moment où les Hasmonéens prennent le contrôle du rôle de grand prêtre au temple de Jérusalem, et il devient alors un parti politico-religieux d’opposition à cette usurpation illégitime. Dans la société juive, on les retrouve chez les propriétaires terriens, les gens influents et ceux qui exercent un pouvoir politique. Ils font partie de l’aristocratie laïque et sacerdotale. Pendant une bonne partie du début de l’ère chrétienne qui va jusqu’à la destruction du temple en l’an 70 et où les Romains gèrent la vie politique par l’intermédiaire d’un préfet, les Sadducéens contrôlent directement ou indirectement l’action des grands prêtres à Jérusalem.

 

La tradition rabbinique les présente en conflit avec les Pharisiens sur certaines pratiques de pureté rituelle, de responsabilité civile, de rédaction d’acte de divorce, du sabbat ou de justice criminelle. Selon certains cas spécifiques, ils peuvent apparaître soit moins rigoureux, soit plus rigoureux que les Pharisiens. Ils rejettent surtout leurs innovations et leurs additions à la loi mosaïque, comme celle du ‘erub, qui permet de faire une plus grande distance le jour du sabbat. Quant à la doctrine, c’est sur la question de la résurrection des morts qu’ils entreront en conflit avec les Pharisiens, rejetant ce qui leur semblait appartenir à ce flot d’idées nouvelles et suspectes et préférant le roc solide d’un conservatisme sobre qui s’en tient à la révélation normative de la Torah. C’est justement sur la question de la résurrection des morts qu’ils confronteront Jésus d’après le récit que nous en fait Marc (12, 18-27). Une analyse serrée de ce texte nous amène à conclure, en nous basant sur les critères de discontinuité et de cohérence, qu’il fait écho à un événement du Jésus historique. En utilisant Ex 3,6, l’argumentation de Jésus, qui veut démontrer l’existence de la résurrection et son « comment », a quelque chose de rabbinique et d’unique.

Jésus et les groupes concurrents juifs : les Sadducéens

Le problème de bien identifier les Sadducéens

 

  1. Introduction au problème

     

    Le problème provient du fait que nous n’avons aucun document contemporain sur les Sadducéens ou provenant de quelqu’un sympathique à leur égard. Comme nous l’avons vu pour les Pharisiens, nous disposons de trois sources : le Nouveau Testament, Flavius Josèphe et la littérature rabbinique. Mais ces sources ne nous présentent pas un visage favorable des Sadducéens : les Actes des Apôtres placent les grands prêtres et les Sadducéens dans le groupe des ennemis incessants des chrétiens, tandis que la Misha donne toujours raison aux Pharisiens dans leurs disputes avec les Sadducéens. Plus tard, dans la littérature rabbinique, on se demandera même si les Sadducéens sont vraiment juifs. En plus de tout cela, on a parfois de la difficulté à savoir si le mot saddûqîn est vraiment originel dans le manuscrit, et non pas un ajout pour remplacer les mots mînîm (hérétique) ou gôyîm (Gentil) comme on le voit parfois. Enfin, la relation entre les Sadducéens et les Boethusiens qui sont parfois interchangeables dans la littérature rabbinique est confuse. Il vaut donc mieux se limiter aux cas clairs où les Sadducéens sont en opposition aux Pharisiens.

    Quelques lignes claires sur un portrait embrouillé

     

     

     

    Selon Josèphe (Antiquités judaïques, 13.10.6), les Sadducéens étaient peu nombreux et n’avaient pas d’adeptes chez les gens ordinaires. Leur influence s’exerçait chez l’élite et les gens riches. Dans la société juive, on les retrouve chez les propriétaires terriens, les gens influents et ceux qui exercent un pouvoir politique. Ils font partie de l’aristocratie laïque et sacerdotale.

    L’étymologie du mot Sadducéens, Saddûqîn, suggère le nom du prêtre Sadoq à Jérusalem qui a été service des rois David et Salomon. Par la suite, tous les prêtres qui appuyaient leur légitimité sur ce lignage s’appelaient fils de Sadoq. Ils semblent avoir contrôlé la reconstruction du temple de Jérusalem (vers -520 ou -515) après l’exil à Babylone. Mais avec la prise de pouvoir par les Hasmonéens au 2e siècle av. J.-C. et leur prise en charge du rôle de grand prêtre forcent les Sadducéens à devenir un groupe de pression, un groupe se prétendant être le seul légitime au titre de grand prêtre contre les intrus hasmonéens. Des laïcs se joindront à ce groupe pour soutenir cette vision d’un lignage qui remonte à Sadoq. Ainsi, ils sont un parti à la foi religieux et politique, formé de gens de la vieille aristocratie conservatrice tant laïque que sacerdotale, centrés sur Jérusalem, son temple et le grand prêtre.

     

    Nous rencontrons le même problème avec les Sadducéens qu’avec les Pharisiens : nous pouvons identifier peu d’individus comme étant clairement Sadducéens. Rappelons-nous qu’à la fin du 2e siècle av. J.-C. Jean Hyrcan s’est mis à soutenir les Sadducéens ainsi que ses successeurs Aristobule I et Alexandre Jannée. Mais on ne sait pas si les grands prêtres en poste étaient Sadducéens. Le premier individu clairement identifié comme grand prêtre et Sadducéen par Josèphe est Ananus II (ou le Jeune) vers +62. Or, cet Ananus II est le fils de Ananus I, mieux connu dans le Nouveau Testament sous le nom d’Anne (Lc 3, 2; Jn 13, 13.24; Ac 4, 6), beau-père de Joseph Caïphe, grand prêtre lors de l’arrestation et de la crucifixion de Jésus. Même si on le destitua comme grand prêtre en +15, Anne était reconnu pour être un grand manipulateur politique. C’est probablement lui qui est responsable en partie de la nomination de son fils Ananus II comme grand prêtre. En plus du beau-père Caïphe, cinq de ses fils le seront également : Éléazar (16-17), Jonathan (37), Théophile (37-41), Matthias (43?), Ananus II (62). Ainsi, pendant 34 ans les grands prêtres sont d’allégeance sadducéenne. Dans les Actes des Apôtres, on mentionne que les grands prêtres et les Sadducéens interviennent pour arrêter les apôtres qui proclament la résurrection des morts de Jésus. Que le grand prêtre soit sadducéen ou non, il devait s’appuyer sur l’aristocratie sadducéenne pour gouverner.

    1. Leur existence

       

      Leur existence comme groupe politico-religieux en Judée au début de l’ère chrétienne est soutenue par les attestations multiples du Nouveau Testament, de Flavius Josèphe et de la littérature rabbinique. Cependant, ce soutien est moins solide que celui que nous avons pour les Pharisiens.

    2. Une brève histoire

       

      Nos connaissances s’appuient sur l’historien juif Josèphe qui signale leur existence à partir de l’hasmonéen Jonathan (160-143 av. J.-C.). Les Sadducéens seront éclipsés par les Pharisiens au cours des règnes suivants jusqu’à l’époque d’Aristobule I (104-103) et Alexandre Jannée (103-76) où ils retrouvent leur pouvoir, mais qu’ils perdront à nouveau au profit des Pharisiens quand la reine Salomé Alexandra (76-69) accèdera sur le trône. Hérode le Grand (40-4) les marginalisera au profit de familles de grands prêtres qu’il va chercher en Égypte et à Babylone. C’est avec la gestion directe des Romains par l’intermédiaire des préfets vers l’an +6 que les Sadducéens retrouvent leur influence : les Romains s’appuient sur l’aristocratie sacerdotale et laïque pour la gestion courante à Jérusalem. On connaît le nom d’un grand prêtre vers 62 ap. J.-C. qui était un Sadducéen : Ananus le Jeune. Malheureusement, les Sadducéens comme groupe ne survivront pas à la destruction de Jérusalem vers 70 alors qu’ils demeureront dans la ville lors de l’assaut final.

    3. Leur statut socioéconomique et politique
    4. Les sadducéens et les grands prêtres
    5. La halakâ

       

       

      1. On a dit des Sadducéens qu’ils rejetaient la prétention des Pharisiens de posséder une tradition provenant des anciens, non contenue dans les Écritures, mais contraignante pour tout Israélite. Et on a ajouté à cette affirmation l’idée que les Sadducéens n’acceptaient que les 5 premiers livres de la Bible, appelés Pentateuque, et rejetaient tout le reste. Il faut tout de suite nuancer tout cela en disant d’abord que les Sadducéens n’étaient pas différents de ce qu’on retrouvera plus tard dans la tradition rabbinique où, tout en acceptant les autres parties de la Bible, i.e. les Prophètes et les Écrits, on donnait la primauté au Pentateuque. De plus, les Sadducéens avaient leur propre tradition orale comme on pouvait s’en douter alors que les fils de grands prêtres apprenaient ce qu’il fallait faire au temple à partir de l’exemple du père, et non pas à partir de l’étude du Pentateuque dont les lignes directrices étaient si générales qu’ils ne pouvaient répondre aux questions de détail. Quand au 2e siècle av. J.-C. on passa du calendrier solaire au calendrier lunaire sous la pression des Pharisiens, les Sadducéens se sont pliés à ces exigences. Tout indique que les Sadducéens avaient leur propre tradition (comme celle du moment où le grand prêtre devait allumer l’encens quand il entrait dans le saint des saints au temple), même si dans les faits ils ont dû accepter celle des Pharisiens.

         

      2. Les Sadducéens soutenaient un certain nombre de règles et d’opinions reliées aux pratiques quotidiennes (halakôt) qui n’étaient pas contenues dans la loi mosaïque.

         

        1. Selon la Mishna Yad. 4 : 6, les Sadducéens se montrent moins rigoureux que les Pharisiens en rejetant l’idée que le contact des Écritures rend les mains impures, mais en acceptant celle que le contact des os humains rend une personne impure.

           

        2. Selon la Mishna Yad. 4 : 7, les Sadducéens se montrent plus rigoureux que les Pharisiens en affirmant qu’un liquide coulant de manière continue d’un récipient pur à un récipient impur rend le premier et son contenu impur.

           

        3. Selon la Mishna Yad. 4 : 7, les Sadducéens se montrent moins rigoureux que les Pharisiens en affirmant que l’eau s’écoulant d’un cimetière ne rend pas impur.

           

        4. Selon la Mishna Yad. 4 : 7, les Sadducéens se montent plus rigoureux que les Pharisiens sur le plan de la responsabilité civile en affirmant qu’un propriétaire est non seulement responsable des dommages causés par son bœuf ou son âne, mais également par son esclave.

           

        5. Les Sadducéens avaient leur propre façon de rédiger l’acte de divorce (la mention de Dieu inscrit au bas de la page, non celle de Moïse).

           

      3. Les Sadducéens se montrent rigoureux en refusant l’accommodement des Pharisiens connu sous le nom de ‘Erub, qui permet un déplacement sur une plus grande distance que ne le permet la loi du sabbat, en déposant sur la place publique un objet personnel qui se trouve à automatiquement agrandir sa propriété (voir la Mishna, ‘Erub 6, 1-2).

         

      4. La Mishna Mak., 1, 6 parle du problème d’un faux témoignage responsable de la condamnation à mort d’une personne. La position de Sadducéens est moins rigoriste sur la plan de la justice criminelle que celle des sages (hakamîm) en se basant sur Dt 19, 19-21 et en disant qu’on ne devrait mettre à mort le faux témoin que si l’accusé en est mort selon le principe biblique « d’une vie pour une vie ».

      Bref, quand on compare la position des Sadducéens et des Pharisiens concernant les halakôt, on note le rejet par les premiers des innovations et des additions à la loi mosaïque apportées par ces derniers, comme celle du ‘erub. Par contre, les Sadducéens ont aussi leurs propres traditions qui ne sont pas contenues dans le Pentateuque. Mais ici ils se distinguent des Pharisiens de deux façons : d’une part, au lieu d’affirmer que les traditions des anciens ont une aussi grande importance que l’Écriture, ils essaient de démontrer que les points de leur tradition se trouvent d’une manière ou l’autre dans l’Écriture en forçant l’exégèse des textes; d’autre part, contrairement aux Pharisiens, ils se refusent à imposer leurs traditions au peuple.

      1. La doctrine

         

        C’est sur le plan de la doctrine plus que sur celui des pratiques quotidiennes (halakôt) que les Sadducéens résistent aux innovations pharisiennes qui vont au-delà de la lettre du Pentateuque.

        1. Selon Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, 18.1.4, Guerre Juive 2, 8.14), Mc 12, 18-27 et Ac 23, 8, les Sadducéens rejettent l’innovation pharisienne d’une foi en la résurrection des morts. En cela, ils ne font que l’exégèse correcte du sens plénier du Pentateuque. Le canon des Écritures juives n’enseigne jamais explicitement la résurrection des individus décédés, à l’exception du livre de Daniel. Et n’oublions pas que ce dernier est apparu une décennie ou deux avant que le mouvement sadducéen ou pharisien se cristallise en partie sociopolitique. Les Sadducéens maintenaient l’opinion courante d’une descente au Sheol au moment de la mort, un lieu souterrain sombre et lugubre, sans idée de récompense ou punition pour le bien ou le mal commis.

           

        2. Cette idée d’une résurrection des morts et de la promesse d’une vie bienheureuse et éternelle pour les gens vertueux provient de l’eschatologie apocalyptique juive qui a fleuri du 3e siècle av. J.-C. jusqu’au 2e siècle de l’ère chrétienne. Dans ce contexte, les Sadducéens apparaissent comme le roc solide d’un conservatisme sobre qui s’en tient à la révélation normative de la Torah face au flot d’idées nouvelles et suspectes. Il ne faut pas croire pour autant que les Sadducéens ne nourrissaient aucun espoir eschatologique. Si on se fit sur Is 2, 1-5 ou Is 60, 1-22, on peut imaginer qu’ils espéraient le jour où le Temple-état deviendrait le centre du monde et que même les Gentils y apporteraient leurs offrandes.

           

        3. Ce rejet d’une théologie apocalyptique entraîne également le rejet de cette angéologie et de cette démonologie luxuriante qui forme le cadre du jugement dernier. Ce rejet permet de comprendre une affirmation surprenante qu’on trouve en Actes 23, 8 : "Les Sadducéens disent en effet qu'il n'y a ni résurrection, ni ange, ni esprit, tandis que les Pharisiens professent l'un et l'autre". Mais comment peut-on dire que les Sadducéens ne croient pas aux anges alors qu’on en trouve un peu partout dans l’Ancien Testament (voir Gn 3, 24; 28, 12)? Luc se trompe sur les Sadducéens : puisqu’il se représente les gens qui ressuscitent des morts comme des anges (voir Lc 20, 36), il s’imagine probablement qu’en rejetant la résurrection des morts les Sadducéens rejettent également les anges.

           

        4. Quand Josèphe présente à son public gréco-romain les trois mouvements politico-religieux dominants de son époque en utilisant l’étalon destin/libre arbitre, il simplifie les choses comme ceci : a) les Esséniens attribue tout au destin, b) les Pharisiens allient destin et libre arbitre, c) les Sadducéens nient l’existence d’un destin. Il faut lire avec un œil critique de telles affirmations. Comment des gens comme les Sadducéens pourraient-ils nier l’intervention divine, eux qui accueillent le Pentateuque qui raconte l’action de Dieu auprès des Patriarches et de son peuple pour le sortir d’Égypte, et montre combien Il se soucie de son peuple en promettant de secourir la veuve et l’orphelin? De plus, comment pourraient-ils officier au temple de Jérusalem où ils offraient prières et sacrifices au nom du peuple pour demander la bénédiction de Dieu et le pardon des péchés s’ils n’y avaient aucune foi en une réponse divine? Josèphe exagère la tendance des Sadducéens au pragmatisme, eux qui devaient gérer la vie courante sous le gouvernement des romains. De plus, les Sadducéens sont peut être influencés par la théologie post exilique qui met l’accent sur la transcendance de Dieu et sur le fait qu’il n’est pas responsable du mal sur terre.

           

  1. La dispute de Jésus avec les Sadducéens sur la résurrection des morts (Marc 12, 18-27)

     

    18 Alors viennent à lui des Sadducéens - de ces gens qui disent qu'il n'y a pas de résurrection - et ils l'interrogeaient en disant: 19 "Maître, Moïse a écrit pour nous: Si quelqu'un a un frère qui meurt en laissant une femme sans enfant, que ce frère prenne la femme et suscite une postérité à son frère. 20 Il y avait sept frères. Le premier prit femme et mourut sans laisser de postérité. 21 Le second prit la femme et mourut aussi sans laisser de postérité, et de même le troisième; 22 et aucun des sept ne laissa de postérité. Après eux tous, la femme aussi mourut. 23 A la résurrection, quand ils ressusciteront, duquel d'entre eux sera-t-elle la femme? Car les sept l'auront eue pour femme." 24 Jésus leur dit: "N'êtes-vous pas dans l'erreur, en ne connaissant ni les Écritures ni la puissance de Dieu? 25 Car, lorsqu'on ressuscite d'entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux. 26 Quant au fait que les morts ressuscitent, n'avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit: Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob? 27 Il n'est pas un Dieu de morts, mais de vivants. Vous êtes grandement dans l'erreur!"
    1. Introduction aux Sadducéens dans les évangiles

       

      Cet épisode n’apparaît que chez l’évangéliste Marc (Mc 12, 18-27 et || Mt 22, 22-33 || Lc 20, 27-38) que Matthieu et Luc ne font que recopier. À part cela, Matthieu ne fait que mentionner les Sadducéens dans des rôles accessoires.

      • Mt 3, 7 : Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir au baptême, il leur dit: "Engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la Colère prochaine?"
      • Mt 16, 1 : Les Pharisiens et les Sadducéens s'approchèrent alors et lui demandèrent, pour le mettre à l'épreuve, de leur faire voir un signe venant du ciel.
      • Mt 16, 11 : Comment ne comprenez-vous pas que ma parole ne visait pas des pains? Méfiez-vous, dis-je, du levain des Pharisiens et des Sadducéens!" Alors ils comprirent qu'il avait dit de se méfier, non du levain dont on fait le pain, mais de l'enseignement des Pharisiens et des Sadducéens.

         

      Ils sont totalement absents de l’évangile de Jean ainsi que des épitres de Paul. Il ne faut pas s’en surprendre car, d’une part, ils constituent un très petit groupe d’aristocrates sacerdotaux et laïcs localisés à Jérusalem, et d’autre part, ils ont disparus complètement du paysage sociopolitique après la chute de Jérusalem en l’an 70, donc dans une période où commence la mise par écrit des évangiles. L’évangile selon Marc, écrit un peu avant ou après cette date, porterait alors les réminiscences d’un événement qui remonterait au Jésus historique.

       

    2. La catégorie de la péricope selon la critique des formes

       

      Cette péricope appartient à un genre littéraire appelé « controverse ».

      • On met en question un enseignement ou une pratique de Jésus, i.e. sa foi en la résurrection en la tournant un peu en ridicule avec l’histoire de sept frères qui doivent épouser à tour de rôle la veuve de leur frère, selon la loi du lévirat (Dt 25, 5);

         

      • Jésus répond de manière concise et incisive avec un argument plein d’esprit, i.e. il reproche aux Sadducéens a) leur ignorance de la puissance de Dieu qui est capable de rendre les gens décédés semblables aux anges, et donc sans besoin de l’accouplement du mariage, et b) leur ignorance des Écritures, en particulier Ex 3, 6 ("Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.") où Dieu ne peut se référer qu’à des êtres vivants;

         

      • Le débat se termine par une défaite des opposants pour l’auditoire chrétien, i.e. un scribe reconnaît que Jésus a bien répondu (v. 28).

         

    3. La place de cette controverse à l’intérieur de l’évangile de Marc

       

      Il existe deux cycles de controverses dans l’évangile, le premier en Galilée (Mc 2, 1 – 3, 6) avant que le ministère de Jésus y atteigne son point culminant, le deuxième à Jérusalem (Mc 11, 27 – 12, 37) avant le point culminant de son procès et de sa mort. Ces deux cycles visent à présenter une hostilité croissante vis-à-vis de Jésus dont l’auditoire de Marc connaît l’issue, son procès et sa mort. Dans ce deuxième cycle où se situe notre péricope, on trouve six controverses.

      1. En 11, 27-33 les grands prêtres, les scribes et les anciens contestent l’autorité de Jésus qui a saccagé l’organisation commerciale du temple;

         

      2. La parabole des vignerons homicides (12, 1-12) n’est pas techniquement un controverse, mais en raison de la similitude de l’auditoire et du contexte d’une réponse de Jésus à la contestation de son autorité, elle revêt un ton hautement polémique qui se termine par le désir d’arrêter Jésus;

         

      3. En 12, 13-17, Marc introduit les Pharisiens et les Hérodiens, le même groupe mentionné dans son premier cycle de controverses, pour poser une question piège à Jésus sur l’impôt dû à César. En reliant les deux cycles, Marc entend bien souligner le sort funeste qui attend Jésus;

         

      4. La quatrième controverse (12, 18-27), notre débat sur la résurrection des morts, introduit un nouveau groupe d’opposants, les Sadducéens;

         

      5. Le cinquième texte (12, 28-34) n’apparaît pas au premier abord comme une controverse, et est plutôt considéré comme un dialogue scholastique avec sa discussion sur le premier commandement avec un scribe sympathique. Mais Marc le fait suivre d’une attaque des scribes par Jésus (12, 38-40) à propos de leur enseignement sur le messie, et donc maintient le ton polémique de l’ensemble;

         

      6. Le dernier texte (12, 41-44) sur la pauvre veuve qui verse deux piécettes dans le trésor du temple peut être considéré comme un résumé de l’ensemble dans le mesure où on le voit avant tout comme une condamnation des autorités du temple qui exploitent les pauvres.

         

      Ces six péricopes démontrent le talent littéraire de Marc qui réussit à ficeler ensemble des textes hétérogènes pour construire un cycle de controverses à Jérusalem marqué par une opposition croissante à Jésus dont le dénouement ne peut être que son arrestation, son procès et sa mort. Malgré tout, notre débat sur la résurrection des morts, pris en lui-même, ne comporte aucune réécriture chrétienne et se situe parfaitement dans le cadre du judaïsme du premier siècle.

  1. La structure de Marc 12, 18-27

     

    Le récit est minutieusement construit en deux parties bien équilibrées.

    1. Aux vv. 18-23 les Sadducéens mènent l’action.
      • (a) Dans la première sous-section (v.19), les Sadducéens se réfèrent à la loi du lévirat (Dt 25, 5) pour souligner la volonté de Dieu d’assurer une descendance au premier frère;
      • (b) Dans la deuxième sous-section (vv. 20-23) les Sadducéens soulignent l’échec des frères à assurer une descendance au mari décédé et posent d’un ton moqueur la question piège du mari dans l’autre vie; le v. 23 qui parle des sept frères fait inclusion avec le v. 20 qui avait introduit les sept frères;

         

    2. Aux vv. 24-27 c’est Jésus qui mène l’action. Il répond à l’objection des Sadducéens en deux sous-sections, i.e. a) le fait de la résurrection et b) le comment. Mais il inverse l’ordre en commençant d’abord par le comment.

       

      • (b) Au v. 25 Jésus explique que Dieu peut par sa puissance lever quelqu’un du monde des morts en le faisant entrer dans une existence semblable à celle des anges où les règles sexuelles ne s’appliquent plus;
      • (a) Les vv. 26-27 marquent un changement de sujet (Quant au fait que les morts ressuscitent) et Jésus démontre son point en se référant au même Pentateuque utilisé par les Sadducéens, i.e. Ex 3, 6 où Dieu manifeste sa sollicitude pour son peuple au buisson ardent, et se définit comme le Dieu qui s’est révélé à Abraham, Isaac et Jacob, non pas à des morts, mais à des vivants. Le récit se termine avec la mention de l’erreur des Sadducéens, ce qui reprend le tout début quand Jésus parle de leur erreur, une forme littéraire appelé parallélisme inversée ou chiasme.

    Devant un récit si bien construit, il est difficile d’accepter la théorie d’une péricope construite au hasard en plusieurs étapes, avec des ajouts divers au fil du temps.

  2. L’exégèse de Marc 12, 18-27

     

    1. Dans la première partie (vv. 18-23) Marc doit introduire les Sadducéens ("de ces gens qui disent qu'il n'y a pas de résurrection") qui n’étaient pas connus par leur auditoire chrétien.

       

      • (a). Au v.19 les Sadducéens donnent le titre de « maître » (Rabbi) à Jésus, une simple reconnaissance de facto de sa réputation d’enseignant auprès des foules. Puis ils en appellent à Moïse, i.e. au Pentateuque qui jouissait d’une place prééminente par les Écritures, pour souligner la loi du lévirat (Dt 25, 5 et Gn 38, 8) qui visait à susciter une descendance à un homme décédé et à assurer que les propriétés ancestrales demeurent au sein de la famille. Dans la logique des Sadducéens, Dieu ne peut demander à quelqu’un de susciter une descendance que dans le contexte où cette vie est la seule vie possible;

         

      • (b) Dans la deuxième sous-section (vv. 20-23) les Sadducéens proposent le cas fictif d’un homme mort sans laisser de progéniture. Le récit prend une tournure folklorique : le cas de deux frères auraient été suffisant pour démontrer son point, mais le récit élargit d’abord le nombre à trois, typique dans les contes, puis à sept, symbole de totalité. Pour comprendre l’argument des Sadducéens, il faut savoir qu’autant la polygamie (un homme avec plusieurs femmes) pouvait être acceptée, même si elle était très limitée au premier siècle, autant la polyandrie (une femme avec plusieurs hommes) était perçue comme une chose répugnante et inacceptable. Or, la résurrection des sept frères décédés conduirait à la polyandrie, d’où son impossibilité;

         

    2. Aux vv. 24-27 Jésus répond aux Sadducéens en leur posant d’abord une question : ne seriez-vous pas dans l’ignorance dans la connaissance tant des Écritures que de la puissance de Dieu? Puis il va traiter ces deux points dans l’ordre inverse, car il doit d’abord b) éliminer les obstacles reliés au « comment » de la résurrection avant que les Sadducéens puissent considérer avec sérieux a) le fait même de la résurrection.

       

      • (b) Pour comprendre le v. 25 où Jésus parle des ressuscités comme étant semblables à des anges, il faut oublier notre perception des anges comme étant des purs esprits sans corps ou sexualité. Dans le Judaïsme, on croyait que les anges avaient un corps raréfié et raffiné (comme le feu) tout en gardant leurs organes génitaux (Is 6, 1-3 parle des Séraphins qui se cachent les pieds, un euphémisme pour les organes génitaux). Mais comme ce corps est maintenant immortel, ils n’ont plus besoin d’exercer leur sexualité dans la procréation, d’où leur état d’éternels célibataires. Voilà la transformation que Dieu opèrera chez les gens décédés grâce à sa toute puissance. Ainsi, l’objection de la polyandrie de la part de Sadducéens tombe d’elle-même et Jésus se trouve à mettre en relief leur ignorance théologique.

         

      • (a) Après avoir éliminé l’objection du « comment », Jésus peut s’attaquer maintenant au fait même de la résurrection dans les vv. 26-27. En faisant référence à Ex 3, 6 (Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob?) l’approche de Jésus est encore théologique. Pour la comprendre, il faut faire un certain nombre de considérations.

         

        1. Un argument scripturaire doit se comprendre dans son contexte culturel, car il vise à convaincre un groupe particulier; notre façon de faire de l’exégèse serait incompréhensible à l’époque de Jésus.

           

        2. Pour comprendre l’écart culturel, il suffit de relire le Talmud de Babylone (6e siècle), traité Sanhedrin 90b-91a, où les textes utilisés pour appuyer la résurrection des morts ne semblent rien à voir avec cette réalité, tout comme le fait Jésus, et où le type d’exégèse utilisé nous semble tordu et tendancieux.

           

        3. L’approche rabbinique est de type apologétique où on s’adresse à un public croyant et conquis d’avance à qui on ne sent pas le besoin d’expliquer certaines règles logiques.

           

        4. Mais Jésus n’est pas vraiment un rabbin, n’ayant pas reçu la formation appropriée, et sa façon d’utiliser Ex 3, 6 pour démontrer la résurrection des morts est sans parallèle dans le monde rabbinique.

           

        5. Cependant l’exégèse de Jésus n’est pas arbitraire et correspond au sens qu’a reçu Ex 3,6 avec le temps dans le monde juif. Quand on dit « Dieu de » (Abraham, Isaac, Jacob), on évoque l’idée d’un Dieu qui choisit librement des gens et leurs descendants pour en faire son peuple, les protéger, les libérer du péril, incluant ce péril ultime qu’est la mort.

           

        6. L’utilisation des grands patriarches comme symboles du salut final qui transcende ce monde reçoit une confirmation d’une autre parole de Jésus, provenant de la source Q, que nous avons déjà considérée comme authentique : Mt 8, 11-12 || Lc 13, 28-29 (Eh bien! je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux). On ne peut comprendre l’utilisation de Ex 3, 6 qu’au sein d’une proclamation eschatologique de Jésus s’adressant à des gens conquis.

           

        7. Dans le monde juif, le nom d’une personne n’est pas simplement une étiquette quelconque, mais définit son être intérieur et ses capacités. Or, si le Dieu de vie se définit pas sa relation à des personnes, il ne peut se définir par rapport à des êtres morts.

           

        8. De manière semblable à certains rabbins, l’argument de Jésus revêt la forme d’un syllogisme :
          1. Prémisse majeure : En Ex 3, 6 Dieu se définit comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, une définition qui vaut pour tous les temps
          2. Prémisse mineure : Or, comme on le dit partout dans l’Ancien Testament, notre Dieu est le Dieu des vivants seulement, et non des morts, autrement cette relation le rendrait impur.
          3. Conclusion implicite : Si l’être de Dieu est vraiment défini par sa relation aux trois patriarches, alors les trois patriarches doivent être vivants (maintenant ou dans une vie future) et en relation vivante avec Dieu.
      1. Dans ce débat avec les Sadducéens, Jésus présente cette vie par delà la mort comme une résurrection. Et cette résurrection provient de l’action salvatrice de Dieu qui s’est révélée au temps des patriarches et se continue avec leurs descendants.

      En résumé, tout comme la structure littéraire du récit était très bien ciselée, son contenu théologique est totalement cohérent, et tout cela milite pour l’unité originelle de la péricope. On imagine facilement ce récit comme étant l’œuvre d’un chrétien du premier siècle. Mais la question demeure : cela reflète-t-il un événement de la vie de Jésus?

    1. Le débat sur la résurrection des morts : un incident au cours du ministère du Jésus historique?

       

      Nous devons répondre à deux questions : (1) le récit a-t-il été composé par Marc lui-même ou par un enseignant chrétien de la première génération? (2) le récit préserve-t-il un événement du ministère du Jésus historique?

      Certains voient des ajouts de Marc au v. 23, d’abord le doublet (À la résurrection, quand ils ressusciteront), pour accentuer la difficulté d’une foi en la résurrection, puis le rappel que la femme a eu sept maris (Car les sept l'auront eue pour femme.), pour accentuer la difficulté, sinon l’impossibilité de résoudre l’énigme. Mais cela n’est qu’une hypothèse, car le récit pourrait être totalement pré-marcien.

      1. La majorité des exégètes ne considèrent pas ce récit comme étant l’œuvre de Marc lui-même pour les raisons suivantes.
        1. Les controverses dans lesquelles se situe notre récit est un ensemble hétéroclite que Marc rassemble de peine et de misère pour essayer de dramatiser la tension croissante entre Jésus et ses opposants

           

        2. Marc n’essaie même de relier notre récit à celui de la passion de Jésus, et semble même ignorer la relation entre les Sadducéens et les grands prêtres qui le condamneront à mort

           

        3. Le thème de la résurrection des morts de ce récit est atypique de la théologie de Marc qui ne montre aucun intérêt pour l’état des ressuscités ou sur l’appui scripturaire de la résurrection des morts

           

        4. L’utilisation du mot anastasis (résurrection) ne reflète pas le vocabulaire habituel de Marc qui préfère « se relever » (anistêmi : Mc 8, 31; 9, 31; 10, 34) ou « se réveiller » (egeirô : Mc 14, 28; 16, 6).

           

      2. Ce récit est donc une composition chrétienne qui précède Marc. Même s’il ne reprend pas exactement les paroles de Jésus, il reflète néanmoins un événement historique si on utilise deux de nos critères d’historicité.

         

        1. Le critère de discontinuité
          1. Il arrive que les chrétiens inventent des récits de controverses autour des sujets sur lesquels se querellaient Juifs et Chrétiens au premier siècle, comme le sabbat et la pureté rituelle. Dans ce cas, les opposants à Jésus sont en général les scribes et les Pharisiens. Or, notre récit met en scène des Sadducéens, ce qui est tout à fait inhabituel, car les évangiles ne manifestent aucun intérêt pour ces gens.

             

          2. Les premiers chrétiens ont créé des récits sur des sujets chauds, comme le sabbat et la pureté rituelle, pour cristalliser leur position et la pratique de l’église primitive. Mais la question du lévirat et de la sexualité dans l’autre vie n’était pas un de ces sujets chauds. Et on voit mal comment les chrétiens juifs auraient pu s’engager dans ce débat, car ils n’avaient pas d’occasion de rencontrer l’aristocratie laïque ou sacerdotale de Jérusalem à travers les Sadducéens.

             

          3. Quand les premiers chrétiens parlent de résurrection des morts, c’est toujours en se fondant sur la résurrection de Jésus lui-même, et jamais en se basant sur un texte scripturaire, et encore moins Ex 3, 6.

             

          4. La façon dont Jésus utilise Ex 3,6 est tout à fait unique et ne se retrouve nulle part ailleurs, ni dans l’Ancien Testament, ni dans la littérature intertestamentaire, ni dans la tradition rabbinique, ni même dans le reste du Nouveau Testament. Seuls deux passages des Actes des Apôtres font référence à Ex 3, 6, i.e. Ac 7, 32 où Étienne l’utilise comme événement de l’histoire du salut quand dans le buisson ardent Dieu appelle Moïse à sa mission, et Ac 3, 13 où Pierre proclame que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob a glorifié ce Jésus que les autorités ont fait mourir. Jamais Luc, l’auteur des Actes des Apôtres, n’essaie de relier cette allusion à Ex 3, 6 au fait général de la résurrection des morts, alors qu’il a pourtant inséré dans son évangile le récit du débat de Jésus avec les Sadducéens.

             

        2. Le critère de cohérence. On reconnaît que l’attention de Jésus était centrée sur l’imminence du règne de Dieu et son action visait à s’assurer que tous les vivants se tenant sur son seuil y entrent, et donc il n’avait aucun intérêt pour des spéculations sur l’après vie. Malgré tout cela, Jésus a néanmoins fait allusion à une résurrection générale.

           

          1. En plus de Mc 12, 26, on trouve un autre extrait de la source Q, Mt 8, 11 || Lc 13, 29 : Eh bien! je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux. Comme prophète eschatologique, Jésus proclame que cette vie se poursuit à travers l’étape finale d’une transformation miraculeuse. La résurrection est évoquée sous la forme d’un banquet final. Jésus nous parle de cette vie future de manière symbolique, et non en faisant de la théologie systématique.

             

          2. En Lc 14, 14, matériel propre à Luc, Jésus invite à donner sans arrière-pensée et termine ainsi : Heureux seras-tu alors de ce qu'ils n'ont pas de quoi te le rendre! Car cela te sera rendu lors de la résurrection des justes. Sous cette forme typique des béatitudes, Jésus fait allusions au dernier jour, compris comme une résurrection générale.

             

          3. Dans un texte tiré de la source Q (Mt 11, 21-24 || Lc 10, 13-15), le prophète eschatologique Jésus invective les villes de Galilée qui l’ont rejeté, dont Capharnaüm : Aussi bien, je vous le dis, pour le pays de Sodome il y aura moins de rigueur, au Jour du Jugement, que pour toi. Nous avons déjà discuté de la valeur historique de ce texte. Parler d’un Jour de Jugement implique une vie après la vie, et donc d’une résurrection.

             

          4. Une prophétie similaire sur le jugement final se retrouve dans un autre texte de la tradition Q, alors que Jésus condamne l’attitude de ses compatriotes qui refuse son enseignement (Mt 12, 41-42 || Lc 11, 31-32) : Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas! Nous avons ici un écho de la prédication énigmatique typique de Jésus avec son « il y a ici » qui fait référence au règne de Dieu. Et le Jugement fait référence de manière naturelle à la résurrection générale.

             

          5. Nous trouvons en Mc 9, 43-47 || Mt 18, 8-9 || Mt 5, 29-30 diverses paroles de Jésus sur le scandale : Et si ton œil est pour toi une occasion de péché, arrache-le: mieux vaut pour toi entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne.Ainsi, Jésus présuppose la résurrection des corps. Et le côté radical et choquant de ces images cadre bien avec la prédication de Jésus, et on chercherait en vain des parallèles dans le reste du Nouveau Testament.

             

          6. Lors de son dernier repas, Jésus fait cette déclaration : En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu'au jour où je boirai le vin nouveau dans le Royaume de Dieu (Mc 14, 25). Nous avons déjà discuté de l’historicité de ce texte. Ici, Jésus exprime son espoir que Dieu l’arrachera à la mort lorsque son règne atteindra son terme et qu’ainsi il pourra siéger au banquet final. L’image évoque de manière indirecte la résurrection générale, sans la proclamer ouvertement.

             

      En résumé, c’est moins le détail de chaque texte que leur effet cumulatif qui nous convainc que Jésus, en diverses occasions, de diverses manières, sous diverses images, a parlé d’un dernier jugement, et fait référence à la résurrection générale. Mais si Jésus n’a fait allusion qu’occasionnellement et de manière indirecte à la résurrection, qu’est-ce qui pouvait l’amener à aborder directement cette question? Mc 12, 18-27 nous donne la réponse : quand des gens qui nient la résurrection comme les Sadducéens le confrontent. Ainsi, ce récit reflèterait bien un incident du ministère du Jésus historique qui se serait passé à Jérusalem.

      Jésus croyait bel et bien qu’à un moment du drame eschatologique les générations passées surgiraient de la mort et que tous les Israélites fidèles partageraient une nouvelle vie semblable à celle des anges, une vie qui n’exige plus l’exercice de la sexualité. Et il a proclamé sa foi avec autorité, comme quelqu’un qui sait.

 

Meier v.3, chap 29, pp 389-487 (version anglaise).

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